Kulturagentinnen und Kulturagenten Schweiz

L’influence du cadre scolaire et les possibilités de l’entre-deux

Récemment, une étudiante me confie : « Tous les jours, il y a une personne qui pleure. Il y a des crises d’angoisse qui surgissent. Le seul lieu pour se calmer, ce sont les toilettes. Les cours sont bien, mais la pression est constante. Entre nous les élèves, on n'est qu’un chiffre, une note. »

Ce n’est pas nouveau que l’école, de manière générale, avec ses propres règles et ses caractéristiques spécifiques, incite les personnes concernées à se comparer, à s’évaluer, voire à s’identifier aux résultats transmis par le système scolaire. Admettons que les notes constituent un repère et qu'elles symbolisent un « produit » prépondérant. Il semble évident que la période du collège, appelé aussi gymnase, représente une phase dense et complexe pour les jeunes personnes : en pleine croissance, elles sont en quête d’identité et d’orientation personnelle. Elles expérimentent leur propre individualité face à elles-mêmes et face au groupe. Ces trois ou quatre ans d’études s’avèrent cruciaux dans leur parcours de vie. Il est fréquent d’entendre que des élèves parlent de dépressions et même parfois de burnouts. Plus triste encore est la survenance de suicides.

En tant que personne externe, je décortique quelques pensées résultant de l’observation de mon travail dans les écoles. Le contexte, en l’occurrence celui de l’école (institution servant à la formation de jeunes gens), définit les rôles de chaque personne appelée aussi habitant·e·s, occupants, usager·e·s, locataires, employé·e·s. D’un côté, il y a les élèves (public cible) et de l’autre, les enseignant·e·s engagé·e·s à leur transmettre du savoir et des connaissances dans l’apprentissage des branches diverses. Ces deux groupes forment la majorité des occupants de l’école.

Plus éloignée du terrain (= vie interne des classes), au sommet de la hiérarchie, siège la direction composée d’un·e dirigeant·e, appelé·e directeur·rice ou recteur·rice. Ce capitaine représente l’autorité autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la « maison ». Il est accompagné de proviseur·e·s qui le soutiennent, le représentent auprès des enseignant·e·s, des élèves ainsi que des parents. Ils l’épaulent pour moduler ce qui se déroule à l’intérieur, à savoir gérer les activités et les situations à court, moyen et long terme. La direction doit régulièrement se mettre à jour sur l’évolution du domaine de la formation et des branches idoines. Indispensables dans l’univers de l’école, d’autres collaborateurs tels que les employé·e·s de l’administration, le personnel de la conciergerie et celui du nettoyage, le personnel de la mensa ainsi que celui de la cafétéria, contribuent au bon fonctionnement de l’institution.

Volontairement, je ne prends pas en considération les autres personnes, les partenaires ou toute autre organisation (autorités étatiques et les membres des conseils) étant donné qu’elles ne résident pas sur place. Je focalise mon attention sur l’espace physique de l’institution, un terrain où chaque jour des rencontres ont lieu et où quotidiennement les relations se créent.

J’émets une hypothèse : toutes les personnes travaillant ou étudiant dans l’école auraient une place bien précise, un rôle défini, un but à atteindre, une fonction et un devoir à remplir… la plupart d’entre elles seraient là volontairement et non par obligation. En cas de choix délibéré, les personnes se sentiraient probablement plus à l’aise pour accomplir les tâches qui leur sont dévolues. Cependant, il me paraît évident que rien n’est certain, d’autant plus si une école est grande et qu’elle est composée de personnalités très différentes.

Je m’explique.

Le dispositif est clair : les espaces sont donnés, les rôles attribués, les fonctions et buts sont énoncés. Des actions en découlent, les attitudes évoluent. J’ose prétendre que le lieu n'est pas neutre, il est un facteur qui influence le comportement de chacun·e. Si les rôles sont définis au préalable et dans un espace autre que l’école, ceux-ci se verront probablement renforcés.

Michel Foucault, philosophe français, spécialiste entre autre de la question concernant de la constitution du savoir et des relations de pouvoir, évoque le sujet: « (...) Une institution scolaire : son aménagement spatial, le règlement méticuleux qui en régit la vie intérieure, les différentes activités qui y sont organisées, les divers personnages qui y vivent ou s'y rencontrent, avec chacun une fonction, une place, un visage bien défini; tout cela constitue un « bloc » de capacité-communication-pouvoir. L'activité qui assure l'apprentissage et l'acquisition des aptitudes ou des types de comportement s'y développe à travers tout un ensemble de communications réglées (leçons, questions et réponses, ordres, exhortations, signes codés d'obéissance, marques différentielles de la « valeur » de chacun et de niveaux de savoir) et à travers toute une série de procédés de pouvoir (clôture, surveillance, récompense et punition, hiérarchie pyramidale) ». (cf. ouvrage « Dits et écrits », tome 2, 1994)

Qu’en est-il lorsqu’un changement soudain intervient dans le dispositif ? Quel impact peut-il avoir sur le quotidien de l’école ?

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