Kulturagentinnen und Kulturagenten Schweiz

L'artiste nous a invités à questionner notre rapport à la perception concernant des situations de la vie quotidienne. Retours sur quelques expériences vécues lors d'une formation.

Actuellement, nous sommes huit agent.e.s culturel.le.s bénéficiant tous/toutes d’un bagage différent et d’une pratique artistique spécifique. Nous travaillons pour et avec des écoles qui se distinguent par des caractéristiques propres telles que leur taille, leur localisation ou encore par la politique dans laquelle elles s’inscrivent. Mes collègues et moi ont néanmoins des points communs : chacun.e est appelé.e à travailler avec des humains dans un cadre précis. Chacun.e est confronté.e à des contraintes spatio-temporelles. Les projets artistiques ont comme ambition d’inciter à voir et à faire autrement. Notre travail est parfois visible grâce à la réalisation de projets concrets, et souvent il est à peine perceptible.

Pour nourrir notre réflexion sur notre travail dans les écoles, quoi de mieux que d’inviter un expert en la matière, qui jongle entre le « remarquable et le commun », entre « le visible et l’invisible ». Aussi, Jérôme Leuba, artiste suisse, nous entraîne, lors d’une formation à Zürich, à nous immiscer dans des situations réelles afin de questionner notre perception de l’espace public... et, peut-être aussi, à interpeler le « spectateur ».

Rendez-vous à la gare !

Une courte introduction permet de nous présenter. S’ensuit l’évocation des règles du jeu pour le déroulement de la matinée. Chaque participant.e est invité.e, à tour de rôle, à mener le groupe et définir les actes à exécuter : la direction à prendre, le rythme de la marche, les temps et lieux d’arrêts, la gestuelle et les interactions. Jérôme prescrit deux restrictions pour l’exercice : la durée (6 minutes par meneur) et le silence (aucun mot est échangé). Le groupe va suivre docilement et se concentrer complètement sur l’intention du meneur, le défi étant de se connecter à ce dernier sans utiliser la parole.

Ainsi nous parcourons une partie de la ville. Nous courrons à toute allure dans les souterrains de la gare, nous sautons dans un train et atterrissons en périphérie. Nous nous arrêtons aussi sur un pont et fixons le courant de l’eau. Une « balade à travers la ville » quelque peu inhabituelle, une sorte de flânerie à la fois improvisée et dirigée.

Arrive in fine le tour de Jérôme de prendre le lead. Il s’arrête et fixe durant quelques minutes un enfant campé dans une poussette. Le groupe l’imite. L’enfant reçoit le regard d’une dizaine de personnes inconnues. Nous continuons notre chemin. Jérôme fait halte à nouveau, cette fois à un passage piéton. Les voitures stoppent pour nous laisser passer, comme faire se doit. Le groupe de piétons reste figé. Le conducteur à proximité commence à s’impatienter et exprime son agacement. Il klaxonne et fait signe qu’il faut « se bouger ». Nous restons impassibles. A cet instant, je m’interroge : quand laisse-t-on tomber l’attention et qui détermine la fin de l’expérience ?

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