Kulturagentinnen und Kulturagenten Schweiz

Ein Gespräch zwischen den Kulturagent.innen Manuela Luterbacher und Marinka Limat über einen Workshop mit dem Künstlerkollektif microsillons

Les trois agent.es culturel.les Manuela Luterbacher, Marinka Limat et David Zehnder ont rencontré, lors d’un workshop au début de l’été 2020 à Fribourg, le collectif d’artistes microsillons. Cette rencontre a eu pour but de se familiariser aux diverses démarches et approches du collectif dans le milieu de la médiation culturelle. En se référant aux auteur.e.s tels que le pédagogue brésilien Paulo Freire et la spécialiste en linguistique Mary Louise Pratt, le thème des «pratiques artistiques socialement engagées» fut le centre des discussions.

Suite à ces deux jours, Manuela et Marinka se sont prises au jeu dans un interview mutuel afin d’échanger leurs impressions et d’approfondir les similitudes et les différences entre le projet «Des agent.es culturel.les pour des écoles créatives» et les pratiques de microsillons. David, quant à lui, a combiné des éléments de la conversation dans un dessin.

microsillons

MLu: Wer ist microsillons und wie arbeiten sie?

MLi: microsillons est un collectif composé de deux artistes, Olivier Desvoignes et Marianne Guarino-Huet. Ils se sont rencontrés il y a bien des années quand ils étudiaient ensemble à la même académie. Depuis, ils réalisent des projets artistiques de médiation. Autrement dit, ils sont actifs dans le domaine de la médiation grâce auquel ils réalisent des projets artistiques.

Leur pratique est décrite, sur leur site web, comme suit : «Le collectif microsillons développe des projets artistiques collaboratifs engagés dans une réflexion sociale et citoyenne, en s’appuyant sur des stratégies issues des pédagogies critiques et féministes.»

Master TRANS

MLu: Sie sind zudem noch Leitende eines Masterstudienganges namens TRANS, welcher an der HEAD (Haute Ecole d’Art et de Design) in Genf angegliedert ist. Was beinhaltet dieser «Master Trans»?

MLi : Le master intitulé TRANS est un master dédié à des pratiques artistiques socialement engagées. Cela fait maintenant cinq ans que microsillons le dirige, ce programme est étroitement lié à leur pratique et à leur travail. Les deux artistes accompagnent en effet les étudiant.e.s à développer leur propre pratique dans une thématique de rapport « art et public » ou «art et société». Un aspect important de ce Master consiste à mettre en lumière les liens existants entre la société et les arts. La dénomination TRANS résulte, sauf erreur, des termes trans-formation, trans-pédagogie, trans-mission…

Mots-clés / Stichwörter

MLi : En résumé, l’action principale de microsillons et l’idée majeure transmise dans le contenu du Master, consiste dans un travail d’un art – ou d’une forme de pratique artistique – socialement engagé grâce au rapport, créé sur le terrain, avec différents publics, dans différents contextes. Les termes importants que nous pourrions retenir sont la question de l’adresse (à qui s’adresser ?), la recherche et la prise en compte du contexte, le partage de la responsabilité (volonté d’impliquer les personnes dans le processus de création qui devient ainsi une co-création), et finalement la production et sa présentation au public.

Exemple pratique / Praxisbeispiel

MLu: Könntest du anhand eines vorgestellten Projekts ihre Arbeitsform erklären?

MLi : Je vais parler du projet que les artistes ont présenté aujourd’hui. Celui-ci est en lien avec le théâtre de Carouge à Genève et fut réalisé grâce à la collaboration d’une maison de quartier. Les personnes impliquées ont travaillé à partir d’une pièce de théâtre classique, en l’occurrence «Antigone». Le projet s’est déroulé en plusieurs phases. D’ailleurs, un élément important à relever dans tous les projets entrepris par microsillons est le facteur temps. Ils ont besoin d’avoir beaucoup de temps pour développer une démarche et cela se déroule sur la durée, en plusieurs séances. Travailler avec les gens exige effectivement de pouvoir y consacrer tout le temps nécessaire au développement des idées.

Le projet en question était destiné à deux groupes.

Un groupe de jeunes actifs dans la maison de quartier – des personnes issues de milieux plutôt défavorisés – a participé au projet sur leur temps de loisir, soit en dehors des cours. Ces jeunes gens ont assisté d’abord à la pièce précitée et ont eu ainsi accès au monde du théâtre, en particulier au théâtre en tant qu’institution. Ensuite microsillons leur a posé la question : «Qu’est-ce voulez-vous faire de cette expérience? Qu’avez-vous envie de dire concernant l’endroit, concernant le théâtre classique?» S’ensuivit tout un travail de réflexion et d’échanges sur les codes propres au théâtre. Pour exemple : le groupe de jeunes a applaudi lors d’un «noir», ce qui ne se fait pas normalement. Pour les habitués du théâtre être confronté à un «noir» n’est certainement pas surprenant. Ce public respectant les codes va normalement attendre la fin du spectacle pour applaudir. Ce ne fut pas le cas pour le groupe de jeunes qui découvraient cet environnement. Le fait d’avoir applaudi en pleine pièce a suscité des questions sur certains codes et prérequis. Ces jeunes ont ensuite créé un rap et réalisé un clip filmé dans le théâtre concerné où il fut finalement présenté. Ce qui est important pour microsillons : vivre une expérience commune, regarder ensemble la pièce, partager une réflexion, produire quelque chose de « physique » et le rendre public…afin qu’il y ait un retour pour l’institution. Cela devient une vraie confrontation de perspectives et de différentes visions.

La deuxième démarche fut de collaborer avec une organisation s’occupant de femmes ayant un vécu migratoire. Concrètement, de travailler à partir du texte de la pièce «Antigone». Ces femmes pratiquent la langue française mais sont toujours en train de l’apprendre et de la perfectionner. D’abord la discussion fut axée sur la pièce. Petit-à-petit, les échanges sont devenus plus personnels, en rapport à leur réalité, à leur vécu, à leur actualité. Plus l’échange avançait, plus le groupe devint conscient de la diversité. Chaque femme avait un point de vue différent et elle le défendait. microsillons nous a rendu attentifs que souvent les musées créent des programmes spécifiques, par exemple destinés à des personnes malvoyantes ou pour un public de migrants. Il importe de ne pas céder à des réflexions réductrices, de ne pas considérer ce public uniquement à travers des critères simplificateurs. Dans l’exemple du groupe précité, les femmes ont bien sûr quelque chose en commun : le fait d’être venues vivre en Suisse en provenance d’un autre pays, d’une autre culture. Mais chaque femme a sa propre voix, voire plusieurs voix…nous ne pouvons les appréhender sous un seul aspect. Cette multiplicité est commune par ailleurs à tout un chacun. Pour revenir à ce projet, les différents points de vue exprimés par ces femmes ont été retenus, captés et transmis dans une production : elles ont créé des phrases qu’elles ont brodées dans différents objets exposés dans le café du théâtre. «Rendre public» est toujours important pour microsillons.

MLu: Ich würde noch anmerken, dass beide Projekte auf der Basis des klassischen Stücks «Antigone» aufgebaut wurden. Und dass dieses Theaterstück in beiden Gruppen, auf verschiedene Art und Weise auseinandergenommen oder neu interpretiert wurde. Die «maison de quartier» Jungen, Jugendlichen oder jungen Erwachsenengruppe, hat aufgrund des Theaters eine ganz andere Perspektive entwickelt. Und die Frauengruppe, hat nochmals eine ganz andere Sicht hineingebracht. Ich denke, als Künstlerkollektiv ist es bestimmt spannend so zu arbeiten. Auf der Basis einer gleichen Geschichte, aber die Ausarbeitung läuft komplett verschieden ab. Weil sie den Gruppen eine Freiheit bei der Ausführung des Projektes geben. Ich finde das sehr schön, wenn man sieht, dass eine strukturierte Freiheit im Tun, solche Projekte möglich macht. Weil sie als Künstlerkollektiv keinen Anspruch haben, künstlerisch in den Vordergrund zu treten. Wie sie am Schluss auch sagten: «Die Artefakte, die durch diese Stickereien der Frauen entstanden sind, sind schon eine Art Resultate, und wirken als Präsentation, als eine Stimme im Publikum…aber sie bedeuten dann schlussendlich nicht mehr viel. Es sind nicht Kunstobjekte, die man noch weiterbrauchen möchte oder will. Sie sind einfach daraus entstanden und waren wichtig für den Prozess.» Für diese Einstellung gegenüber ihrer Arbeit empfinde ich viel Respekt.

MLi : Et apparaît la question fondamentale de l’esthétique. microsillons travaillant avec des personnes venant de tous horizons et les faisant participer à la production d’une création, l’esthétique revêtira toujours une forme différente. Il n’y a pas de signature définie, microsillons n’a pas un style propre qu’il peut défendre, qui est reconnaissable, contrairement à un Thomas Hirschhorn dont on reconnaît de toute évidence l’œuvre.

Similitudes – Différences / Gemeinsamkeiten – Unterschiede

MLu: Wo siehst du Gemeinsamkeiten zwischen microsillons und dem Kulturagent.innen-Projekt? Nebst dem schulischen Zusammenhang, siehst du auch Gemeinsamkeiten in der Art der Arbeit oder Unterschiede? Was ist dir aufgefallen?

MLi: J’y vois des similitudes du fait qu’en tant que «agent.es culturel.les», nous travaillons en mode de processus. Nous avons besoin au départ d’un élément qui nous unit (avec le groupe culturel, avec l’école), cela peut être une question, un thème… Et puis, l’échange commence, une réflexion surgit…pour aboutir à une production. Tout est en processus. Et à la fin, il y a une présentation publique (rendre visible), un retour pour le public… qui n’est pas un tout uniforme mais bien un composé de diversités complexes. En cela je perçois des parallèles.

MLu: microsillons arbeitet auch oft mit externen Künstler.innen zusammen. Sie arbeiten oft mit ihrem Netzwerk, sie lassen sich inspirieren von anderen Künstler.innen, auch von Pädagog.innen und von Vermittler.innen. Pro Projekt kreieren sie ein erweitertes Kollektiv. Da sehe ich einen starken Zusammenhang mit dem Kulturagent.innen-Projekt, welches den/die Kulturagenten/in braucht, um diese Verbindungen mit externen Teilnehmenden herzustellen, die so als Expert.innen für ihr spezifischen Themengebiet oder Kunstform miteinbezogen werden. Ein Unterschied liegt vielleicht darin, dass microsillons nicht nur mit Schulen zusammenarbeitet, sondern auch für andere Auftraggeber, für andere soziokulturelle Projekte.

MLi: Une autre différence entre microsillons et nous-mêmes est, à mon avis, que nous avons plus d’obligations. Le projet des «agent.es culturel.les pour des écoles créatives» est une démarche prévue sur quatre ans, nous assumons une responsabilité concernant deux écoles, nous sommes en contact constant avec les mêmes personnes (groupe culturel, les délégués culturels). Je perçois le champ d’action de microsillons plus libre, plus vaste… Bien sûr que si microsillons opère pour un théâtre, le directeur exprimera des attentes, de même que les instances qui soutiennent le projet.

MLu: Was ich spannend finde, ist dass sie schon etwas haben, was wir uns vielleicht am Ende des Kulturagent.innen-Projekts oder als Künstler.innen im Vermittlungsbereich für unsere Zukunft wünschen. microsillons erhält Aufträge. Sie werden von verschiedenen Institutionen angefragt, um Projekte anzureissen. Das heisst, ihnen wird meist von aussen ein Thema vorgegeben, in welches sie sich dann hineingeben oder entwickeln können. Und wir, im Vergleich haben ein Grundthema, das ist bei allen Kulturagent.innen gleich, aber wir müssen noch detaillierter auf die Suche gehen, nach spezifischeren Themengebieten in den Schulen, um etwas daran verändern, entwickeln oder anstupsen zu können.

MLi : Je vois encore une autre similitude : ces processus et ce travail autant chez microsillons que dans le projet des «agent.es culturel.les», provoque des changements, non pas de grandes transformations ni de révolution, mais plutôt de tout petits pas, de touts petits développements.

Literatur

« Arts of the Contact Zone »von Mary Louise Pratt «La pédagogie des opprimés» von Paulo Freire « A l’école de Bell Hooks » (une pédagogie engagée de la libération) von Nassira Hedjerassi