Kulturagentinnen und Kulturagenten Schweiz

Comment la prise de paroles est-elle vécue, pratiquée, partagée dans une institution ? Comment les différents acteurs d’un établissement peuvent-ils se retrouver autour d’un projet ?

Le projet du Fanzine est un bel exemple de projet expérimental en matière de médiation culturelle dans le milieu scolaire. Nous résumons les grandes lignes de cette aventure en soulignant le potentiel d’une telle démarche.

A l’origine de ce projet furent les échanges au sein du groupe culturel de l'Ecole de Culture Générale de Fribourg. Selon les enseignant.es, les élèves se plaigneraient de n’être pas assez « entendu.es ». Nous saisissons cette occasion pour lancer une réflexion et mettre en place un dispositif artistique, la création de fanzines, afin d’explorer cette thématique. Suite à un imprévu – aucune participation d’élèves au workshop initial – une nouvelle stratégie a été nécessaire. L’activation des élèves ne fut pas gagnée d’avance : Comment atteindre le public phare, comment les motiver, leur montrer l’opportunité de participer à tel projet, ceci dans un cadre libre, en dehors des cours ?

Les trois intervenantes conceptrices du format et de la mise en place de l’atelier, à savoir l’illustratrice Camille Valloton, l’enseignante en arts visuels Laura Braillard-Malerba et l’agente culturelle, perçoivent le projet comme une possibilité de créer du collectif. Même si le groupe est restreint, les rôles de chacun.e ont dû être clarifiés. Ceci dans le but d’assurer la notion de collectivité (penser à l’ensemble des habitant.es de l’école) et aussi afin d’éviter que l’atelier ne soit utilisé à des fins trop personnelles. Nous avons dû aussi dialoguer avec la direction qui nous a confié certaines craintes – légitimes face au contexte de la situation vécue (vague d’accusations contre les écoles fribourgeoises) – et nous a proposé la création d’une chartre. Nous nous sommes posé les questions suivantes : Comment libérer la parole ? Quels sont les sujets brûlants ? Y-a-t-il des tabous ? Faut-il en discuter librement ? Si oui, comment ? Y-a-t-il des répercussions, lesquelles ? Faut-il en avoir peur ? Comment accompagner ce processus ? Sachant que le Fanzine vient du milieu alternatif, peut-il avoir sa/une place dans une institution ?

Suite à la visite de dix classes qui a permis la récolte d’une centaine de retours d’élèves (dessins, collages, poèmes, photos), nous avons défini les thématiques abordées en six groupes : des portraits d'élèves, les actualités tel que le Covid, l’école en tant qu'infrastructure, des prises de position, la lutte LGTBQ, des réflexions positives sur la vie. Pour un impact visuel et des questions d’identité, un tampon-logo représentant un colibri apportant une enveloppe ainsi qu’une série de sacs sérigraphiés affichant le terme « fanzine » ont été réalisés. Ces derniers aidèrent à la visibilité du mot... Il faut reconnaître que bon nombre sont les personnes ne connaissant pas l’existence et la signification du fanzine.

Heureuses de cette première expérience, nous pouvons dire que le défi a été relevé. Conscientes de la fragilité dans la démarche (assurer la présence des élèves, maintien de leur motivation, développement du tout dans le processus (forme, contenu), l’expérimentation a été évolutive. Force est de constater que la co-construction et la co-production n’ont été possibles que par le fait de créer ensemble et dans l’instant. Le fanzine est un vecteur qui a permis d’agender et de créer de l’espace d’action. La prise de parole n’étant pas évidente, nous avons dû créer un climat de confiance dans le collectif de départ. Nous avons ainsi tout fait pour instaurer une culture « citoyenne » (les élèves prennent conscience du droit et du poids de leur voix passant par la pratique de prise de parole) afin de créer des liens conviviaux.

Nous osons prétendre que la prise de parole engagée est possible si le cadre est sécurisé et sécurisant. Par cadre, nous entendons des moyens, des ressources, l'acceptation de la direction, un budget et des personnes externes.