Kulturagentinnen und Kulturagenten Schweiz

Nous nous retrouvons en salle de classe. Belle et grande, propre et blanche, la salle des arts visuels dispose d’un espace qui permet un certain mouvement. Les présentations se font rapidement – je reconnais quelques têtes – j’introduis ma nouvelle collègue qui poursuit l’orientation sur le projet. Nous sommes debout, les élèves assises. La démarche est amorcée, les impératifs annoncés. Par la suite, nous nous retrouvons à intervalle régulier avec ce groupe de jeunes personnes. L’architecte mène le cours, parfois l’enseignant ou moi complétons avec quelques remarques, précisons une pensée ou encore amenons notre vision. Les rencontres se répètent, se déroulent la plupart du temps à l’intérieur, à l’exception de quelques séances de travail à l’extérieur pour l’exploration et les prises de mesure du terrain. Le programme aurait pu certainement être composé différemment, avec peut-être moins de théorie et de paroles en début de rencontres : les élèves ont ultérieurement relevé que les cours furent trop similaires – l’exercice des cartes postales proposé par l’architecte s’avérant lassant à la longue… Néanmoins, cette phase intense a permis aux collégiennes de produire les bases nécessaires pour la deuxième étape réalisée par les étudiants en architecture. Plusieurs fois, mais peut-être trop tardivement dans le processus, nous tentons de transmettre aux collégiennes un esprit de collectivité : pas besoin de lever la main, le tutoiement entre toutes les personnes impliquées est autorisé, toute pensée mérite d’être entendue…

De manière décontractée, dans une ambiance imprégnée de bois et de machines, ce rendez-vous avec deux experts en la matière précède un repas qui sera partagé dans la mensa d’un autre centre de formation : l’école professionnelle artisanale et commerciale. Le pragmatisme et la disponibilité de ces messieurs ainsi que l’espace immense qui allait accueillir la réalisation des prototypes durant une semaine nous enchantent. La conversation se focalise sur des aspects plutôt techniques garantissant la faisabilité du projet. L’architecte, dotée d’une grande expérience, répond avec aisance aux questions. Quant à moi, j’observe et j’écoute. La confiance est créée, une sorte de respect mutuel s’installe. Auparavant, un échange de mails et quelques de coups de téléphone avaient été passés.

C’est parti ! Nous nous retrouvons – au total vingt-huit personnes – dans le hall d’exposition de l’école. Nous formons un grand cercle. Je me lance dans un mot d’introduction et j’invite chacune et chacun à se présenter ainsi qu’à mentionner avec quelle énergie il ou elle aborde cette semaine. Les collégiennes ayant soigneusement installé les modèles, les cartes postales et autres traces inhérentes au processus expérimenté tout au long des trois derniers mois, prennent la parole. L’une après l’autre, elles expliquent aux étudiants en architecture leurs idées et partagent leurs propositions. Nous poursuivons notre mise-en-train par la visite des emplacements extérieurs. Puis nous revenons sur nos pas ; une pause-café-croissant nous attend ! Ce moment, apparemment ordinaire, favorise la prise de contact entre les élèves et les étudiants. Les échanges vont bon train, un sentiment de proximité naît. Une attention est donnée. L’architecte, accompagnée de son collègue pour l’occasion, l’enseignant et moi-même observons avec plaisir ces instants.

Les jours suivants, nous occupons les espaces de l’atelier du bois de l’école voisine. A quatre moments successifs, les collégiennes nous rejoignent et découvrent l’avancée du travail effectué par les étudiants en architecture. Il est parfois difficile de trouver un rôle pour chaque collégienne, surtout dans la phase durant laquelle les étudiants examinent, revisitent, reformulent, réinventent les propositions des élèves, développent de nouvelles versions tout en devant pallier des problèmes techniques et pragmatiques. Une fois la conception validée, tout le monde se lance dans la partie « réalisation ». N’ayant pas droit de toucher aux machines pour des raisons de sécurité, les collégiennes apportent leur soutien aux étudiants en transportant, en vissant, en documentant… Nous passons une grande partie du temps à l’intérieur, et pour les deux derniers jours, nous travaillons à l’extérieur. Par chance, nous sommes épargnés de la neige et de la pluie.

En plein milieu de la semaine intense consacrée à la réalisation du projet, nous organisons, pour répondre à une demande antérieure, une rencontre in situ. Les objets étant en cours de développement (work-in-progress), il eût été impossible de présenter quoique ce soit auparavant. Nous sommes quatre. Détendue-tendue, la séance se déroule entre admiration vouée aux objets, doutes et questions. La pression se fait ressentir : il reste des points administratifs à régler au plus vite sans quoi le projet devra être interrompu. Nous restons en contact. Les réponses sont communiquées le lendemain par l’architecte à la responsable du Service des bâtiments. Soulagement ? A voir...

Deux mois plus tard, nous nous retrouvons autour de la grande table ovale dans le bureau du recteur. Il reste des questions fondamentales à régler : « prototype » signifie aussi « installation provisoire » et « démontage futur ». Quand aura lieu cette échéance ? Impossible de prévoir une quelconque date ou période, tout dépendra du vieillissement des objets. Qui devra se charger de l’opération ? Nous nous mettons d’accord sur une organisation disposée à démonter les volumes, en contrepartie elle deviendra propriétaire du matériel et exigera un défraiement. Une question nous préoccupe davantage : comment entretenir les objets ? Nous nous tournons vers le concierge. Son cahier de charge, déjà si rempli, lui laissera-t-il le temps pour exécuter un contrôle technique bisannuel ? Nous trouvons un compromis.

Conclusion

Le procédé, décrit ci-avant, n’est sans aucun doute pas exceptionnel. Il est indéniable que tout projet, toute démarche, nécessitent de nombreuses réunions, de multiples temps de communication, des échanges fréquents et des procédures « officielles ». Sans oublier que ces actions sont aussi source de tensions et de remises en question. Rien d’étonnant ! Cependant, il importe à mon avis de donner une chance aux rencontres. C’est-à-dire de s’approcher les uns et des autres comme si c’était la première fois. En d’autres mots, « l’entre-deux » représente un potentiel de vivre et de partager des expériences communes qui est la base de toute collaboration.

Pour terminer cette réflexion, je cite une anecdote. Récemment, quelqu’un évoqua combien est importante, pour la vie de l’école, la réalisation de tels projets : ils donnent la possibilité aux élèves de s’identifier avec des éléments qui leur sont plus familiers (choix des matériaux, forme organique), de s’approprier les objets et de se sentir mieux intégrés au lieu qu’ils fréquentent durant leurs études.

Quand une telle démarche se concrétise, l’émotion est difficilement descriptible. L’expérience se vit. Elle peut engendrer un ressenti fort : nous avons pour un instant l’impression d’avoir marqué un but...

Goal !

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